Soudain elle n’en pouvait plus. C’était alors une lecture minutieuse et lente, avec des arrêts pour méditer, pour se représenter, les yeux fermés et sur les lèvres, un sourire un peu idiot, un peu divin. Afin de mettre en valeur des mots plus tendres ou plus ardents, elle recouvrait parfois la feuille de ses deux mains, de manière que seule la phrase merveilleuse restât visible. Elle s’hypnotisait sur cette phrase. Pour mieux la sentir, elle la déclamait, ou encore, prenant une glace à la main, se la confiant à mi-voix, et s’il lui écrivait qu’il était triste sans elle, elle était contente, elle riait.
Il était triste, chic! S’écriait-elle, et elle relisait la lettre tant de fois qu’elle ne la comprenait plus et que les mots perdaient leur sens.
Le plus souvent elle résistait à la tentation, savait qu’à trop lire une lettre on l’abîmait, on ne la sentait plus. Alors elle l’enfermait, se donnait sa parole d’honneur de la laisser se reposer et de ne pas la reprendre avant ce soir.
En passant
La citation du vendredi : lire une lettre d’amour selon Albert Cohen
14 Fév
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