J’ai un problème avec l’Art contemporain

21 Oct
A quelques jours de l’ouverture de la FIAC 2014,  il est temps de s’interroger : c’est quoi l’art contemporain?  Aussitôt dit aussitôt fait, j’ouvre mon dictionnaire (vestige d’une époque paléontologique où l’on survivait sans Wikipedia)

Je lis : « Contemporain » : du latin « contemporaneus » ; de cum, « avec », et tempus « temps ». Soit qui est du même temps que quelqu’un ou quelque chose. Puis Art : semble une notion plus difficile à définir (d’où le nombre de pages consacrées à ce terme), avec pour corollaire de nombreux débats.

Si je mixe grossièrement les définitions : l’art contemporain est un acte volontaire, humain, intello, sensible, inutile et de mon temps…

Concentrons-nous sur le « de mon temps » : puisqu’il se situe dans ma sphère spatio-temporelle et utilise les codes et valeurs de mon époque, c’est un art qui devrait m’être accessible.

Or… il se trouve que l’art de mon temps peut sembler assez éloigné de moi, dans le sens loin des repères et des balises habituelles. On pourrait dire « infamilier » dans le sens d’étrange.  Voire intergalactique. Comme si mon système de pensée et d’analyse n’était pas en phase, rendant ainsi l’Art abscons. Et les deux termes ainsi associés « art et contemporain » évoquent une nébuleuse où se percutent des contraires : génie, originalité, supercherie, foutage de gueule, esthétique…

Comme vous, j’ai déjà entendu tous les commentaires allant de la plus grande admiration  à la condamnation pure et simple dont la plus banale, et légèrement égocentrée, se résume à « j’aurais tout aussi bien pu le faire ».

Hélas, c’est dans l’usage de ce conditionnel « aurais » que tout se joue et qu’apparaît la dimension  liée intrinsèquement à l’intention artistique, cette fameuse dimension qui fait toute la différence et peut passer inaperçue au néophyte suspicieux qui sommeille en chacun de nous : car oui, nous, on aurait pu mais… on l’a pas fait.

Or, Marcel Duchamp a eu l’idée de faire des ready madeMurakami du néo pop et de la relecture de mangas  et Damien Hisrt des animaux sous formol…

Pour vous aider sur le chemin de cet Art pavé de bonnes ou mauvaises intentions, (lire à ce sujet l’article de Sherri Irvin, « l’oeuvre d’art et l’intention de l’artiste »)  soyez à l’affût d’un des signes distinctifs de la dimension artistique : le discours, le projet, l’intention (explicitée par l’artiste ou pas).  Souvent, dès que ces termes sont prononcés, vous vous trouvez non loin d’une démarche artistique.

Pour faire concret,  imaginez  le long cheminement, entre promenade et prise de chou, qui a conduit Jeff Koons à  sculpter des ballons

Vous me direz : c’est quoi la différence avec le type qui gonfle et entortille des ballons sur la plage ?

Je vais être claire : la grande et substantielle différence entre un artiste contemporain et vous-et-moi, (ce qui inclut aussi le dit marchand de ballons), c’est l’inscription dans un processus artistique. La volonté de faire acte de création.

La particularité de notre époque réside peut-être dans une subtilité contemporaine : jusqu’au siècle dernier, l’art échappait aux moyens de production et d’analyse traditionnels des autres activités humaines, à présent il les a intégrées. Désormais certains artistes sont des multinationales. Tant et si bien que les studios d’artistes se mettent à refleurir, où le maître coordonne ses exécutants ;  de même que des agences bien particulières destinées à étudier la faisabilité de tel ou tel projet monumental d’artiste.  Si on se penche à nouveau sur Jeff Koons : Cet artiste revendiquant son côté businessman ne réalise aucune de ses œuvres lui-même. Il dirige un atelier de 100 personnes qui fabriquent ses idées. 

Ainsi, cahin-caha, la notion d’ « artiste contre son temps » s’étiole tandis que  l’art contemporain utilise et tire sa subs(is)tance de son temps. Utilise le système  mondialisé, les techniques de la pub et de la communication, la passion du consumérisme. Que ce soit en la combattant ou en la dénonçant. Andy Warhol, en son temps, ouvrit la voie.

Arrivé à ce stade, on peut se demander ce qui rend cet art contemporain si nouveau. Une notion de nouveauté chasse l’autre, et ceci est vrai, même en Art, domaine qui pourtant, dans notre inconscient collectif, rime avec éternité et universalité, mais depuis un certain temps, l’éphémère s’en est mêlé.

Si bien qu’aux dires de certains, l’art se désagrège et  semble quitter le champ artistique. En regardant bien dans l’histoire de l’Art, ce n’est pas la première fois.

Mais, entre nous, si l’on reste sourd aux leçons de l’Histoire, comment voulez-vous qu’on entende celles de l’Art ?

Si vous voulez sourire un peu, voir le KLUB et sa rubrique « art contemporain ». Pour les sérieux qui veulent comprendre : L’art contemporain par Anne Cauquelin  et Lire L’art contemporain disponibles à la Médiathèque.  Pour aller plus loin,  tous les livres de Nathalie Heinich et en particulier Le paradigme de l’art contemporain  et son excellent article « Ce que fait l’interprétation. Trois fonctions de l’activité interprétative », Sociologie de l’Art 3/ 2008 (OPuS 13), p. 11-29.

3 Réponses to “J’ai un problème avec l’Art contemporain”

  1. france Mitrofanoff 31 mars 2016 à 15:45 #

    Moi je fais de l’art contemporain, et je me pose la même question que vous.
    C’est quoi l’art contemporain?
    si c’est ce magasin de jouets très chers pour adultes décérébrés, que nous propose jeff koons, je me désespère,
    Si c’est Anselm Kieffer dont les thèmes nous interrogent je reprend espoir car la force de l’émotion qui se dégage de l’oeuvre nous fait avancer et nourrit notre sensibilite.

    • Isabelle D. 31 mars 2016 à 16:56 #

      Merci pour votre lecture et votre avis, les opinions et goûts de chacun sont évidemment respectables et les échelles d’appréciation ou d’interprétation sont personnelles. En effet l’art contemporain est un vaste sujet d’étude, de plaisir et/ou de surprise. Nous nous efforçons sur ce blog d’ouvrir le champ de la réflexion et d’éveiller la curiosité 🙂

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  1. Y a-t-il un problème avec Jeff Koons ? | Liseur - 6 avril 2017

    […] souvent en art contemporain, l’art de Koons peut sembler enfantin, d’autant plus quand l’artiste va puiser dans […]

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